Le Conseil d’Etat s’est prononcé, le 6 juillet 2016, sur les recours de la commune d’Achères, de la Société d’aménagement de la région de Rambouillet et du département des Yvelines (Sarry 78) et du ministre de l’Intérieur, contre l’annulation d’un arrêté du Préfet des Yvelines déclarant d’utilité publique le projet de réalisation et d’aménagement de la ZAC multisites dénommée « cœur de ville ».
Le Conseil d’Etat a statué sur l’intégration ou non d’un bâtiment, une ancienne bijouterie, dans le périmètre de cette ZAC.
A n’en pas douter, les acquisitions exorbitantes de droit commun sont de formidables pourvoyeurs de contentieux et, par là même, d’intéressantes sources d’inspiration pour le juge de l’excès de pouvoir.
Ainsi en fût-il avec le célèbre arrêt du Conseil d’Etat « Ville Nouvelle-Est » en date du 28 mai 1971, lequel a adapté le contrôle de l’excès de pouvoir aux spécificités d’une opération d’expropriation : la théorie du bilan était née. Dès lors qu’il doit contrôler une opération d’expropriation, le juge administratif doit mettre en balance l’intérêt général de cette dernière au regard des atteintes à la propriété privée, du coût financier et des inconvénients d’ordre social qu’elle implique.
L’arrêt du Conseil d’Etat « Commune d’Achères » en date du 6 juillet 2016, (n°371034) s’inscrit délibérément dans cette lignée.
En l’espèce, le Préfet des Yvelines a, par un arrêté en date du 5 mai 2008, déclaré d’utilité publique un projet de réalisation et d’aménagement d’une zone d’aménagement concertée (ZAC) et a autorisé la société d’aménagement porteuse du projet à acquérir les immeubles compris dans le périmètre de ladite ZAC.
Des propriétaires d’une parcelle incluse dans le périmètre de la ZAC ont par la suite contesté l’arrêté en date du 5 mai 2008 devant le Tribunal administratif de Versailles qui, par un jugement en date du 16 mai 2011, a rejeté leurs demandes. Toutefois, la Cour administrative d’appel de Versailles a fait droit à leurs demandes, en annulant le jugement du Tribunal administratif ainsi que les dispositions de l’arrêté préfectoral intéressant leur parcelle.
Par son arrêt en date du 6 juillet dernier, le Conseil d’Etat a fort opportunément repris le considérant de principe dégagé dans l’arrêt « Commune de Levallois-Perret » en date du 19 octobre 2012 (n°343070) :
« Considérant qu’il appartient au juge, lorsqu’il doit se prononcer sur le caractère d’utilité publique d’une opération nécessitant l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu’elle répond à une finalité d’intérêt général, que l’expropriant n’était pas en mesure de réaliser l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d’ordre social ou économique que comporte l’opération ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente ; »
Il a néanmoins considéré, et c’est là toute la nouveauté, qu’il appartenait au juge saisi d’un moyen en ce sens :
« […] de s’assurer, au titre du contrôle sur la nécessité de l’expropriation, que l’inclusion d’une parcelle déterminée dans le périmètre d’expropriation n’est pas sans rapport avec l’opération déclarée d’utilité publique ; »
La Cour administrative d’appel, ne se bornant pas à cette simple tache mais ayant tout au contraire vérifié in concreto si la ZAC pouvait être réalisée sans la parcelle des requérants, a, dans ce cadre, « commis une erreur de droit », le Conseil d’Etat annulant son arrêt.
Ainsi, un juge saisi d’un contentieux relatif à une expropriation pour cause d’utilité publique doit simplement vérifier si le périmètre d’expropriation n’est pas sans rapport avec l’opération déclarée d’utilité publique et non contrôler parcelle après parcelle si l’opération peut ou non se réaliser sans l’une d’entre elles.
Le Conseil d’Etat a donc, par l’arrêt « Commune d’Achères », posé une limite au contrôle maximum du juge administratif en matière d’expropriation, au bénéfice des collectivités publiques.
Gageons que cette nouvelle appréciation sera, sans doute, moins préjudiciable aux opérations d’aménagement.